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Reconversion : comment devenir fromager.e ?

Un métier Qui fait envie

En 2014 j'ai choisi d'exercer le métier de crémier-fromager, qui n'a aucun lien avec mes études ou mes rêves de gosse. Je livre sur cette page ma vision - subjective, bien sûr - du chemin de la reconversion, et quelques questions et réflexions souvent partagées avec celles et ceux qui ont emprunté un chemin similaire.  

Bullshit jobs, reconversion et "les métiers qui ont du sens"

Le métier de vendeur en fromagerie m'a attiré parce qu'il me permettait de me reconnecter à quelque chose de tangible : ce que les gens mettent dans leur assiette. C'est l'une des motivations qui revient parmi les reconverti.es : mettre de côté un emploi parfois assez abstrait, dans lequel on ne s'épanouit plus, pour en découvrir un nouveau, terre à terre et fédérateur. Une fois fromager, c'est devenu plus simple de raconter mes histoires de boulot à ma grand-mère, par rapport à l'époque où je vendais de l'espace publicitaire aux enchères en temps réel sur des sites internet. 

Je me sens très chanceux d'avoir pu faire des études pendant plusieurs années, des stages, en France et à l'étranger, pour découvrir finalement quel métier je voulais réellement faire. Tout ce que j'ai appris précédemment, des connaissances aux savoir-être, m'a été d'une grande utilité dans la reconversion. 

Ça ressemble à un métier de rêve... et en vrai ?

De bons produits, du contact humain quotidien, de l'action, une place dans la chaîne de valeur de l'alimentation et de l'agriculture au pays de la gastronomie... Oui, par bien des aspects le métier de fromager est fabuleux. Je l'ai exercé près de cinq ans en boutique, je n'ai pas le souvenir de m'y être ennuyé, et il ne m'est jamais arrivé de regretter mon choix.

Néanmoins, certaines contraintes inhérentes au commerce peuvent parfois générer des désillusions. Lorsque j'ai tendu mon CV à celle qui allait devenir ma patronne, elle m'a fait un bon résumé des risques que je prenais : "Ça ne vous fait pas peur de travailler debout ? dans le froid ? le samedi ?" Clair, non ?

  • C'est un métier assez physique, dans lequel on se tient debout en permanence, on porte des charges (pas forcément lourdes mais fréquemment), on répète des gestes (coupe, emballage, rangement), la cadence peut s'accélérer par moments en cas d'affluence. Bref, mieux vaut être en forme. 

  • Selon les points de vente, l'hiver peut être une période difficile. Sur les marchés, sous les halles ou dans les boutiques ouvertes sur la rue, la température du lieu de travail peut descendre bas. Prévoir Damart et chaussures de rando fourrées.

  • Travailler le samedi, éventuellement le dimanche, prendre des pauses de plusieurs heures le midi sur une journée à grande amplitude horaire, peut poser des problèmes d'organisation à celles et ceux qui ont une vie bien remplie avec un entourage ou une famille travaillant du lundi au vendredi, se reposant le reste du temps, partant souvent en week-end ou en vacances. La place que prend cette dimension de votre vie privée est à considérer.

Et les clients, dans tout ça ?

Notre métier attire souvent en premier lieu parce que le fromage est passionnant. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que la réussite d'un commerce, si elle repose évidemment sur la qualité des produits qu'il vend, ne peut être vraiment satisfaisant qu'à travers une relation client soignée et durable. Et pour s'y plaire, il faut aimer les gens. Tous les gens. Et tous le temps.

J'exagère - évidemment certain.es client.es finissent par vous sortir par les yeux (parfois après quelques secondes tout au plus). Mais je crois que ce qui confirme réellement que ce métier est fait pour vous, c'est le désir d'apporter sans cesse satisfaction aux clients, et de nouer des liens simples et solides avec eux. Tout tourne autour du client, les meilleurs produits ne paieront pas de salaires si vos clients n'ont pas confiance en vous pour les acheter. Les meilleurs concepts ou les plus belles communications ne suffisent pas si le lien humain inhérent au commerce de proximité vous gonfle dans la demi-heure qui suit le lever de rideau.

Faut-il se former ?

Bien sûr ! Toute la question réside dans le "comment". Être crémier-fromager ne demande pas des compétences complexes ou des connaissances difficiles d'accès. Il faut de la curiosité, de la motivation et un peu de dextérité et de débrouillardise pour s'en sortir au quotidien. Il n'y a pas de voie unique pour se lancer, selon votre caractère, votre ambition et votre contexte de vie, plusieurs possibilités s'offrent à vous.

  • Do it yourself : contrairement à la boucherie ou à la pâtisserie, les techniques de travail en fromagerie peuvent s'apprendre sur le tas, aux côtés d'un.e professionnel.le. C'est la voie que j'ai choisi. J'ai eu la chance de découvrir le métier en job d'été, avec un passionné qui m'a montré les gestes et insufflé la curiosité du produit. Lorsque j'ai décroché mon boulot chez Quatrehomme à Paris, la grande équipe avec laquelle je travaillais m'a petit à petit montré, expliqué et corrigé pour améliorer mes pratiques. J'ai passé des semaines à vadrouiller en France pour rencontrer des producteurs et productrices, des affineurs, d'autres commerçants. J'ai lu des bouquins, des magazines, des articles, et assisté à quelques journées de formation proposées par la branche professionnelle. Je ne sais pas tout, j'apprends encore, mais je peux certifier qu'il est possible de plonger dans le métier sans avoir de gros bagages au départ. 
    Condition nécessaire : avoir du temps libre et de l'énergie pour se former seul.e, et trouver une équipe qui aime partager.
     

  • Formation courte : pour les entrepreneur.es qui n'ont pas froid aux yeux et veulent ouvrir un point de vente rapidement, il existe des formations courtes (d'une à plusieurs journées) organisées par le Centre de Formation des Produits Laitiers, l'organe de formation de la Fédération des Fromagers de France, et le Cifca. J'ai plaisir à y contribuer régulièrement, sur la partie pratique (emballages, plateaux) ou les techniques de vente en fromagerie. Ce format peut aussi convenir à celles et ceux qui voudraient confirmer un projet professionnel, ou à des salarié.es qui se sont lancé.es sur le tas et voudraient compléter leurs connaissances.
    Condition nécessaire : être audacieux.se et ne pas avoir peur d'apprendre en faisant, une fois lancé.e.
     

  • Formation en alternance : c'est une bonne option pour celles et ceux qui veulent acquérir des bases solides pour maîtriser le métier, ou lancer leur propre activité dans un second temps avec l'assurance d'être bien équipé. Deux formations existent pour décrocher un diplôme de vendeur.se conseil en crèmerie-fromagerie : le CAP et le CQP (Contrat de qualification professionnelle). La formation est prise en charge financièrement par l'entreprise, vous êtes pendant cette année un salarié en contrat de professionnalisation. 

    • Le CAP est plutôt destiné à un public jeune n'ayant pas nécessairement d'autre diplôme, auquel cas c'est un parcours qui dure deux ans, avec une alternance en entreprise et des cours professionnels et scolaires. Il est aussi accessible aux diplômés (bac ou plus) qui voudraient se former sur une seule année, n'ayant à suivre que la journée professionnelle chaque semaine. Il apporte de bonnes bases théoriques et techniques. La rentrée est en septembre.

    • Le CQP est une formation en alternance qui dure 9 mois. Les stagiaires passent 3 jours toutes les deux semaines en cours, et le reste du temps en entreprise (boutique, marché,...). Le contenu de la formation est dense, basée sur quatre piliers du métier : la connaissance des produits laitiers, la gestion de l'espace de vente, les techniques de vente et la gestion des opérations. ​​Au centre de Paris, le Cifca (anciennement Ifopca), les rentrées se font en septembre et en février. La formation est également dispensée à Lyon, Toulouse, La Pommeraye (49) et bientôt Périgueux (24).

Condition nécessaire : avoir une année devant soi, et une grande soif d'apprendre ! 

Où se renseigner pour faire son choix ?

Commencez par celles et ceux qui se sont trouvé.es face au même choix que vous, selon le projet que vous souhaitez mener. Dans beaucoup de crèmeries-fromageries partout en France, vous serez susceptible de tomber sur un.e salarié.e diplômé.e d'un CQP, ou ayant suivi une formation courte. 

Le grand allié des reconversions fromagères, c'est aussi la Fédération des Fromagers de France (l'autre FFF). Le métier attire, et cet organisme est habitué à conseiller et orienter celles et ceux qui s'y intéressent.

De manière plus informelle, mais à mon sens très efficace, vous pouvez demander à rejoindre le groupe Facebook "Le clan des fromagers". Créé il y a quelques années par un diplômé du CQP, il regroupe plusieurs milliers de professionnels en lien avec le métier et nombre d'entre eux sont en mesure de répondre à vos questions (et une bonne partie de ceux-là le feront même avec grand plaisir).

Quels sont les métiers du secteur, en dehors de la vente ?

Après quelques années en vente, on peut avoir envie d'élargir son champ d'action, découvrir le métier autrement, voyager. J'ai ressenti ce besoin pour ma part et vous partage, pour terminer, quelques idées, expérimentées ou non, et observations des parcours de celles et ceux qui m'entourent :

  • L'événementiel : buffets, cocktails, événements d'entreprises ou institutionnels, pendant mes années chez Quatrehomme j'ai eu la chance d'expérimenter le métier différemment, derrière un stand fromage.

  • L'export : le fromage français a bien sûr un potentiel commercial dans beaucoup de pays du monde, exploitable par le commerce ou de nouveau l'événement.

  • Le digital : la profession s'est beaucoup modernisée et il existe plusieurs manières de mixer digital et fromage (communication et réseaux sociaux, e-boutique, box cadeau, market place,...)

  • Les produits complémentaires : bien sûr le vin, mais plus généralement tous les produits d'origine agricoles qui renferment, comme les fromages, de nombreuses versions et nécessitent une connaissance pointue pour bien en faire le commerce.

  • La dégustation : sur le modèle des cours d’œnologie, j'expérimente depuis 2017 les dégustations publiques, pour des touristes, des curieux, des entreprises. Avec pour ambition de transmettre une connaissance du produit et du monde agricole. Fabrice, dit le Cheesegeek, a mis au point un format dégustation via zoom qui cartonne !

  • La production : parmi les tendances du métier ces dernières années, on retrouve les laiteries urbaines, ces lieux dans les villes où l'on fait venir du lait pour fabriquer du fromage. Leurs employés sont à la fois fabricants et commerçants. Bien sûr, la production en règle générale se fait dans les fermes, c'est aussi une route que certain.es empruntent !

  • La logistique et le commerce de gros : clé de voûte de la bonne marche de notre métier, c'est aussi un levier pour mieux acheter et agir sur les défis environnementaux que rencontrent tous les secteurs d'activité.

  • La formation : c'est la suite de mon chemin professionnel car je souhaitais transmettre tout ce que j'ai pu emmagasiner d'expériences et de petits savoirs sur le métier. Auprès de CQP, CAP ou stages courts notamment, mais aussi d'entreprises qui désirent améliorer leurs pratiques ou leurs connaissances. ​

J'espère que ces lignes ont apporté un éclaircissement à vos interrogations ! Si certaines de vos questions restent sans réponse, vous pouvez me les poser ici.

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